F... comme flamme

 

Famille

Fonder une famille. Je crois qu’il m’aurait été plus aisé de fonder un empire. (Écartèlement)

Ces enfants dont je n’ai pas voulu, s’ils savaient le bonheur qu’ils me doivent ! (Aveux et anathèmes)

Fatalité

L’idée de fatalité a quelque chose d’enveloppant et de voluptueux : elle vous tient chaud. (De l’inconvénient d’être né)

Femme(s)

Les femmes déconcertent : plus on pense à elles, moins on les comprend. Processus analogue à celui qui vous réduit au silence à mesure que vous réfléchissez sur l’essence ultime du monde. Mais tandis que vous restez, en ce cas, abasourdi devant un infini indéchiffrable, le vide de la femme vous apparaît comme un mystère. La femme a pour mission de permettre à l’homme d’échapper à la pression torturante de l’esprit ; elle peut être un salut. À défaut d’avoir sauvé le monde, la grâce aura au moins sauvé les femmes. (Sur les cimes du désespoir)

Nous sommes accrochés à la femme par terreur de l’ennui. (Le crépuscule des pensées)

Sans la femme – de la musique égarée dans la chair – la vie serait un suicide automatisé. (Le crépuscule des pensées)

Si je préfère les femmes aux hommes, c'est parce qu’elles ont sur eux l’avantage d’être plus déséquilibrées, donc plus compliquées, plus perspicaces et plus cyniques – sans compter cette supériorité mystérieuse que confère un esclavage millénaire. (Aveux et anathèmes)

Fin du Monde

S’acheminer vers la fin de l’histoire avec une fleur à la boutonnière, seule tenue digne dans le déroulement du temps. (Précis de décomposition)

Tous les grands évènements ont été déclenchés par des fous, par des fous… médiocres. Il en sera ainsi, soyons-en certains, de la « fin du monde » elle-même. (De l’inconvénient d’être né)

Tout bien considéré, le siècle de la fin ne sera pas le siècle le plus raffiné, ni même le plus compliqué, mais le plus pressé, celui où, l’être dissous en mouvement, la civilisation, dans un élan suprême vers le pire, s’effritera dans le tourbillon qu’elle aura suscité. (La chute dans le temps)

Chaque fois que je vois un clochard ivre, sale, halluciné, affalé avec sa bouteille sur le bord du trottoir, je songe à l’homme de demain s’essayant à sa fin et y parvenant. (Aveux et anathèmes)

La disparition du silence doit être comptée parmi les indices annonciateurs de la fin. (Écartèlement)

Dans l’avenir, si l’humanité doit se recommencer, elle le fera avec ses déchets, avec les mongols de partout, avec la lie des continents ; une civilisation caricaturale se dessinera, à laquelle ceux qui produisirent la véritable assisteront impuissants, honteux, prostrés, pour, en dernier lieu, se réfugier dans l’idiotie où ils oublieront l’éclat de leurs désastres. (Syllogismes de l’amertume)

Chaque époque incline à penser qu’elle est en quelque sorte la dernière, qu’avec elle se ferme un cycle ou tous les cycles. Aujourd'hui comme hier, nous concevons plus aisément l’enfer que l’âge d’or, l’apocalypse que l’utopie, et l’idée d’une catastrophe cosmique nous est aussi familière qu’elle l’était aux bouddhistes, aux présocratiques ou aux stoïciens. La vivacité des nos terreurs nous maintient dans un équilibre instable, propice à l’éclosion du don prophétique. Cela est singulièrement vrai pour les périodes consécutives aux grandes convulsions. La passion de prophétiser s’emparant alors de tous, les sceptiques comme les fanatiques jubilent à l’idée du désastre, et se livrent de concert à la volupté de l’avoir prévu et claironné. Mais ce sont surtout les théoriciens de la réaction qui exultent, tragiquement sans doute, devant l’imminence du pire – du pire qui est leur raison d’être. (Joseph de Maistre. Essai sur la pensée réactionnaire)

Flammes

Le charme des flammes subjugue par un jeu étrange, au-delà de l’harmonie, des proportions et des mesures. Leur impalpable élan ne symbolise-t-il pas la tragédie et la grâce, le désespoir et la naïveté, la tristesse et la volupté ? Ne retrouve-ton pas, dans leur dévorante transparence et leur brûlante immatérialité, l’envol et la légèreté des grandes purifications et des incendies intérieurs ? J’aimerais être soulevé par la transcendance des flammes, être secoué par leur souffle délicat et insinuant, flotter sur une mer de feu, me consumer d’une mort de rêve. La beauté des flammes donne l’illusion d’une mort pure et sublime, semblable à une aurore. Immatérielle, la mort dans les flammes évoque des ailes incandescentes. N’y a-t-il que les papillons qui meurent ainsi ? – Mais ceux qui meurent de leurs propres flammes ? (Sur les cimes du désespoir)

Foi

Quel dommage que pour aller à Dieu, il faille passer par la foi ! (Syllogismes de l’amertume)

Folie

Jamais les hommes ne comprendront pourquoi certains d’entre eux sont voués à la folie, pourquoi cette fatalité inexorable qu’est l’entrée dans le chaos, où la lucidité ne peut durer plus que l’éclair. Les pages les plus inspirées, celles qui dégagent un lyrisme absolu, où l’on est livré à une exaltation, à une ivresse totale de l’être, on ne peut les écrire que sous une tension telle que tout retour à l’équilibre est illusoire. De cet état, l’on ne peut sortir indemne : le ressort intime de l’être est brisé, les barrières intérieures s’effondre. Le pressentiment de la folie ne survient qu’à la suite d’expériences capitales. (Sur les cimes du désespoir)

J’aimerais perdre la raison à une seule condition : avoir la certitude de devenir un fou gai et enjoué, sans problèmes ni obsessions, hilare du matin au soir. Bien que je désire ardemment des extases lumineuses, je n’en voudrais pourtant pas, car elles sont toujours suivies de dépressions. Je voudrais, par contre, qu’une source de lumière jaillisse de moi pour transfigurer l’univers – source qui, loin de la tension de l’extase, garderait le calme et la clarté de l’éternité. Elle aurait la légèreté de la grâce et la chaleur du sourire. Je voudrais que le monde entier flotte dans ce rêve de lumière, dans cet enchantement de transparence et d’immatérialité. Qu’il n’y ait plus obstacle ni matière, forme ou confins. Et que, dans ce paradis, je meure de lumière. (Sur les cimes du désespoir)

Fossile

Il y a en moi plus de confusion et de chaos que l’âme humaine ne devrait en supporter. Vous trouverez en moi tout ce que vous voudrez. Je suis un fossile des commencements du monde, en qui les éléments ne se sont pas cristallisés, en qui le chaos initial s’adonne encore à sa folle effervescence. Je suis la contradiction absolue, le paroxysme des antinomies et la limite des tensions ; en moi tout est possible, car je suis l’homme qui rira au moment suprême, à l’agonie finale, à l’heure de la dernière tristesse. (Sur les cimes du désespoir)

Foule

Dégoût désespéré devant une foule, qu’elle soit hilare ou maussade. (Aveux et anathèmes)

Fragments

La philosophie n’est plus possible qu’en tant que fragments. Sous forme d’explosion. Il n’est plus possible, désormais, de se mettre à élaborer un chapitre après l’autre, sous forme de traité. En ce sens, Nietzsche a été libérateur. C'est lui qui a saboté le style de la philosophie académique, qui a attenté à l’idée de système. (Entretiens)

Une pensée fragmentaire reflète tous les aspects de votre expérience ; une pensée systématique n’en reflète qu’un seul aspect, l’aspect contrôlé et, par là même, appauvri. En Nietzsche, en Dostoïevski, s’expriment tous les types d’humanité possibles, toutes les expériences. Dans le système, seule parle le contrôleur, le chef. Le système est toujours la voix du chef : c'est pour cela que tout système est totalitaire, alors que la pensée fragmentaire demeure libre. (Entretiens)

France

Lorsque l’Europe sera drapée d’ombres, la France demeurera son tombeau le plus vivant. (De la France)

La France n’a plus de destin révolutionnaire parce que qu’elle n’a plus d’idées à défendre. Les peuples commencent en épopées et finissent en élégies. (De la France)

Pour avoir rangé l’intelligence parmi les vertus et la bêtise parmi les vices, la France a élargi le domaine de la morale. De là, son avantage sur les autres nations, sa vaporeuse suprématie. (Syllogismes de l’amertume)

Frénésie

L’unique frénésie dont nous soyons encore capables est celle de la fin. Viendra ensuite une forme suprême de stagnation, quand, les rôles joués, la scène abandonnée, nous pourrons à loisir remâcher l’épilogue. (Écartèlement)

Tout ce qui vit s’affirme et se nie dans la frénésie. (La chute dans le temps)

Freud

Si je me suis toujours méfié de Freud, c'est mon père qui en porte la responsabilité : il racontait ses rêves à ma mère, et me gâchait ainsi toutes mes matinées. (Aveux et anathèmes)

Frivolité

Personne n’atteint d’emblée à la frivolité. C’est un privilège et un art : c’est la recherche du superficiel chez ceux qui s’étant avisés de l’impossibilité de toute certitude, en ont conçu le dégoût ; c’est la fuite loin des abîmes, qui, naturellement sans fond, ne peuvent mener nulle part. (Précis de décomposition)

retour index