H... comme hurlement

 

Hégémonie

Dans l’avenir, les peuples qui accéderont à l’hégémonie en jouiront encore moins : à l’histoire au ralenti s’est inexorablement substituée l’histoire haletante. (Écartèlement)

Héroïsme

L’attitude héroïque est le privilège et la damnation des désintégrés, des suspendus, des laissés-pour-compte du bonheur et de la satisfaction. Être un héros – dans le sens le plus universel du mot – signifie désirer un triomphe absolu, qui ne peut s’obtenir que par la mort. Tout héroïsme transcende la vie, impliquant fatalement un saut dans le néant. Tout héroïsme est donc un héroïsme du néant, même si le héros ne se rend pas compte que son élan procède d’une vie privée de ses ressorts habituels. (Sur les cimes du désespoir)

Héros

De tous les hommes, le héros est celui qui pense le moins à la mort. Pourtant, nul n’y aspire, d’une façon inconsciente, il est vrai, autant que lui. Ce paradoxe définit sa condition : volupté de mourir, sans le sentiment de la mort. (Des larmes et des saints)

Heure

Comment peut-on accorder plus d’importance à l’heure qu’il est qu’à celle qui fut ou sera ? (Précis de décomposition)

Hier

Hier, aujourd'hui, demain, – ce sont là catégories à l’usage des domestiques. [...] Je fus, je suis ou je serai, c'est là question de grammaire et non d’existence. (Précis de décomposition)

Histoire

L’Histoire, c’est une histoire de fous. (Cahiers 1957-1972)

L’Histoire est l’ironie en marche. (Cahiers 1957-1972)

L’histoire est une leçon d’inhumanité. Pas une goutte de sang du passé ne peut troubler le présent où je suis. (Bréviaire des vaincus)

Si on veut à tout prix que l’Histoire ait un sens, qu’on le cherche dans la malédiction qui pèse sur elle, et nulle part ailleurs. (Écartèlement)

Au plus intime de lui-même, l’homme aspire à rejoindre la condition qu’il avait avant la conscience. L’Histoire n’est que le détour qu’il emprunte pour y parvenir. (De l’inconvénient d’être né)

Ce qui semble certain, c’est que « l’histoire » procède d’une identité brisée, d’une déchirure initiale, source du multiple, source du mal. (Préface à Du Pape de Joseph de Maistre)

L’histoire ? – Chance offerte aux peuples de se discréditer à tour de rôle. (L’élan vers le pire)

L’histoire, ce défilé grotesque de faits divers et de catastrophes. (Correspondance)

Avidité et horreur de la conscience, l’Histoire traduit tout à la fois le désir d’un animal infirme d’accomplir sa vocation et la crainte d’y arriver. (La tentation d’exister)

Historien

Un historien optimiste est une contradiction dans les termes. (Entretiens)

Avec le recul, rien n’est bon, ni mauvais. L’historien qui se mêle de juger le passé fait du journalisme dans un autre siècle. (De l’inconvénient d’être né)

Homme

N’avoir plus rien de commun avec les hommes que le fait d’être homme. (Aveux et anathèmes)

Des arbres massacrés. Des maisons surgissent. Des gueules, des gueules partout. L’homme s’étend. L’homme est le cancer de la terre. (De l’inconvénient d’être né)

En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul : un attentat contre elle-même. (De l’inconvénient d’être né)

Si loin qu’on se soit avancé, on traîne partout l’indignité d’être – ou d’avoir été – homme. (Écartèlement)

Un homme ne vaut que par ce qu’il n’a pas fait, par ses moments d’absence et de songerie. (Cahiers 1957-1972)

Humanité

Des restes d’humanité, on n’en trouve encore que chez les peuples qui, distancés par l’histoire, ne mettent aucune hâte à la rattraper. À l’arrière-garde des nations, nullement effleurés par la tentation du projet, ils cultivent leurs vertus démodées, ils se font un devoir de dater. « Rétrogrades », ils le sont assurément, et persévéreraient dans leur stagnation, s’ils avaient les moyens de s’y maintenir. (La chute dans le temps)

Humour

L’humour est la politesse du désespoir. (Chris Marker, Humour poétique, souvent attribué à Cioran, ou à Paul Valéry)

Hurlement

S’il me fallait renoncer à mon dilettantisme, c'est dans le hurlement que je me spécialiserais. (Syllogismes de l’amertume)

Nous devrions avoir la faculté de hurler un quart d’heure par jour au moins ; il faudrait même que l’on créât à cette fin des hurloirs. (La chute dans le temps)

Mode d’expression du sang, le hurlement nous soulève, nous fortifie, et quelquefois nous guérit. Quand nous avons le bonheur de nous y adonner, nous nous sentons d’emblée à proximité de nos lointains ancêtres, qui devaient dans leurs cavernes rugir sans cesse tous, y compris ceux qui en barbouillaient les parois. À l’antipode de ces temps heureux, nous sommes réduits à vivre dans une société si mal organisée que l’unique endroit où l’on puisse hurler impunément est l’asile d’aliénés. Ainsi nous est défendue la seule méthode que nous ayons de nous débarrasser de l’horreur des autres et de l’horreur de nous-mêmes. (La chute dans le temps)

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