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D... comme décadence

 

Décadence

La vieillesse d’un peuple commence lorsque, amolli par le bien-être et devenu incapable d’effort, il substitue l’égoïsme individuel à l’égoïsme collectif, cherche à obtenir un maximum de tranquillité avec un minimum de travail et se montre incapable de s’adapter aux nécessités nouvelles que les progrès d’une civilisation font toujours surgir. (Hier et demain)

Un peuple décline dès que son armature sociale est trop rigide pour se plier à des conditions nouvelles d'existence. Une des causes les plus fréquentes de la chute des grands empires fut cette inaptitude à s'adapter aux nécessités imprévues que les circonstances faisaient naître. (Hier et demain)

Arrivé à ce degré de civilisation et de puissance où, étant sûr de ne plus être attaqué par ses voisins, un peuple commence à jouir des bienfaits de la paix et du bien-être que procurent les richesses, les vertus militaires se perdent, l'excès de civilisation crée de nouveaux besoins, l'égoïsme se développe. N'ayant d'autre idéal que la jouissance hâtive de biens rapidement acquis, les citoyens abandonnent la gestion des affaires publiques à l'État et perdent bientôt toutes les qualités qui avaient fait leur grandeur. L'individu finit par n'avoir plus d'autre préoccupation que lui-même. Les consciences capitulent, la moralité générale s'abaisse et graduellement s'éteint. L'homme perd tout empire sur lui-même. Il ne sait plus se dominer – et qui ne sait se dominer est condamné à être dominé par d'autres. (Lois psychologiques de l'évolution des peuples)

Le courage, l’initiative, l’énergie, l’esprit d’entreprise et diverses qualités de caractère fort longues à acquérir peuvent s’effacer assez rapidement quand elles n’ont plus l’occasion de s’exercer. Ainsi s’explique qu’il faille toujours à un peuple un temps très long pour s’élever à un haut degré de culture, et parfois un temps très court pour tomber dans le gouffre de la décadence. (Lois psychologiques de l’évolution des peuples)

Ce qu'on appelle la vieillesse d'un peuple est une vieillesse mentale beaucoup plus que biologique. (Hier et demain)

Décorations

À aucune époque, la soif de titres honorifiques et de décorations ne fut aussi répandue qu'aujourd'hui. (La Révolution française et la psychologie des révolutions)

Découverte

Une grande découverte n'est jamais sortie de toutes pièces du cerveau d'un seul homme, elle est la conséquence d'autres recherches accumulées pendant des siècles. Quand ces matériaux ainsi accumulés sont assez nombreux, il se trouve un homme supérieur qui les réunit et apporte l'étincelle qui en fait jaillir la lumière. (L'Homme et les sociétés)

Il importe peu, en réalité, que celui qui a semé ne récolte pas. Il suffit que la récolte grandisse. De toutes les occupations pouvant remplir les heures si brèves que la vie nous accorde, nulle ne vaut la recherche de vérités ignorées, l'ouverture de sentiers nouveaux dans l'inconnu immense et ténébreux dont nous sommes enveloppés. (Historique des premières recherches sur la dissociation de la matière)

Quelque obscure ou brillante que puisse être l'Histoire politique d'un peuple, l'importance réelle du rôle qu'il joue dans le monde peut se mesurer finalement à son influence civilisatrice et à la somme des découvertes qui lui sont dues. (La Civilisation des Arabes)

Décrets

L'idée que des changements sociaux importants puissent se faire à coups de décrets est malheureusement trop ancrée dans une foule de cerveaux pour qu'on puisse espérer de la voir disparaître. Elle appartient à cette catégorie de croyances, basées sur les sentiments, qu'aucun argument ne peut ébranler. Les fleuves de sang qu'elle fera verser encore y suffiront à peine. (L'Homme et les sociétés)

On ne gouverne pas à coups de lois et de décrets. La loi doit se borner à codifier et à entériner les coutumes et les mœurs. La coutume résulte des nécessités sociales, industrielles et économiques. La jurisprudence les fixe. La loi la sanctionne. (La Psychologie politique et la défense sociale)

Défensive

Une des infériorités psychologiques de la défensive est de déprimer le courage, alors que l'offensive le stimule. (Hier et demain)

Délinquance

Peut-on compter sur l'action de lois répressives pour stabiliser la conduite ? L'expérience a, depuis longtemps, négativement répondu. Ces lois répressives constituent même une des plus dangereuses illusions de l'âge moderne. Les statistiques démontrent que nos sanctions juridiques n'ont d'autre résultat que de créer des récidivistes, ce qui est le contraire du but recherché. (Bases scientifiques d'une philosophie de l'Histoire)

Délit

Un délit généralisé devient bientôt un droit. (La Psychologie politique et la défense sociale)

Démocratie

Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite. (Hier et demain)

Ce n'est que chez des nations instruites et élevées dans le respect de la loi, du droit et des devoirs qu'une démocratie a des chances de vivre. Chez les autres, elle conduit toujours à l'anarchie et à la dictature. (L'Homme et les sociétés)

Les institutions démocratiques sont particulièrement avantageuses pour les élites, et c'est pourquoi ces élites doivent les défendre et les préférer à tous les autres régimes. (La psychologie du socialisme)

En France, la démocratie ne se pratique guère que dans les discours. Le système de concours et d'examens qu'il faut subir pendant la jeunesse, ferme rigoureusement l'entrée des carrières et crée des classes ennemies séparées. [...] L'absolutisme étatiste y a remplacé l'absolutisme monarchique mais ne se montre pas moins dur. L'aristocratie de la fortune s'est substituée à celle de la naissance et ses privilèges ne sont pas moindres. (La Révolution française et la psychologie des révolutions)

La démocratie a deux excès à éviter : l’esprit d’égalité extrême, qui la conduit au despotisme d’un seul, et le despotisme d’un seul qui finit par la guerre. (La Révolution Française et la psychologie des Révolutions)

La guerre* marquera sans doute le triomphe définitif de la démocratie dans le monde. Monarques et diplomates ont trop manqué de clairvoyance pour que les peuples consentent désormais à remettre aveuglément leur destinée entre leurs mains. Les guerres ne seront peut-être pas moins fréquentes, mais elles seront au moins déclarées par ceux qui en supportent le fardeau. (Hier et demain)

* Conflit 1914-1918.

Démographie

Dans les civilisations de type industriel le succès appartient forcément aux peuples non les plus nombreux, mais les plus travailleurs, les plus disciplinés, les plus capables d'efforts collectifs. (Hier et demain)

La rivalité dans la fécondité est devenue pour certains économistes l'idéal à proposer aux peuples. Toute l'histoire des êtres, de l'insecte jusqu'à l'homme, démontrent que la surpopulation fut toujours une cause de guerres d'extermination et de conquêtes. (Hier et demain)

Désir

Le désir tient d'une main de fer tous les hommes, et sa puissance est telle que, quelle que soit la désillusion qui suit fatalement sa réalisation, il nous mène toujours. (L'Homme et les sociétés)

L'homme qui, suivant le conseil du bouddhisme, tuerait en lui tout désir perdrait toute raison d'agir. (Aphorismes du temps présent )

Le plaisir étant éphémère, et le désir durable, les hommes sont plus facilement menés par le désir que par le plaisir. (Aphorismes du temps présent)

Les grands manieurs d'hommes furent toujours des créateurs de désirs. (Aphorismes du temps présent)

Il a tout lu, il a tout appris, il a tout pratiqué celui qui a renoncé aux désirs et vit sans espérer. (Hitopadésa, cité in Bases scientifiques d’une philosophie de l’Histoire)

Despotisme

Le despotisme des vivants serait parfois sans limite, s’il n’était contenu par le despotisme des morts. (Aphorismes du temps présent)

Devoir

Quand la notion du devoir s'est éteinte dans les âmes, il ne reste plus, pour maintenir l'équilibre social, que la répression légale. Lorsqu'un peuple en est là, ses jours sont comptés et son heure va venir. (L'Homme et les sociétés)

Diable

Durant dix siècles, des milliers d'individus ont vu le diable, et si le témoignage unanime de tant d'observateurs devait être considéré comme une preuve, on pourrait dire que le diable est le personnage dont l'existence se trouve la mieux démontrée. (Bases scientifiques d'une philosophie de l'Histoire)

Le diable lui-même a besoin d’un compagnon. (Hitopadésa, cité in Bases scientifiques d’une philosophie de l’Histoire)

Dictateur

Un dictateur n'est qu'une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables. (Hier et demain)

L'autorité d'un dictateur étant, par définition, soustraite à tout contrôle, ses erreurs peuvent, comme le prouve abondamment l'histoire, entraîner un peuple vers d'irréparables désastres. (L'évolution actuelle du monde)

Dictature

Nous sommes à l'âge [1927] où les peuples, ayant perdu la foi dans des institutions qui ne leur ont pas évité les ruines d'une guerre désastreuse [conflit 14-18], cherchent à les remplacer. Ils s'adressent naturellement aux formes les plus primitives, c'est pourquoi l'antique régime autocratique, qualifié de dictature, reparaît partout. (L'évolution actuelle du monde)

Les nations vraiment civilisées ne voudront bientôt plus de dictature, ni celle du prolétariat, ni celle du sabre. (Psychologie des temps nouveaux)

L'homme sachant se gouverner lui-même ne demande pas à être gouverné par d'autres, car il possède une discipline interne qui le dispense de toute discipline externe. Il est son propre dictateur. Rien ne remplace une pareille dictature. (L'évolution actuelle du monde)

Si les dictatures ont une tendance à se perpétuer, c'est que la plupart des hommes, pour s'éviter l'effort de se guider eux-mêmes, cherchent un maître capable d'orienter leurs pensées et leur conduite. (L'évolution actuelle du monde)

Dieu

La science doit reconnaître qu'elle ne possède absolument aucun moyen de rien savoir de la raison première des choses ; mais elle est assez avancée pour dire à l'homme que les divinités grossières qu'il a créées à son image n'ont d'existence que dans son esprit, que le monde est un ensemble de phénomènes régis par des lois invariables, et qu'on n'y découvre jamais les traces des caprices d'un maître. (L'Homme et les sociétés)

Dieux

Les Dieux étant issus des mêmes illusions, et ayant exercé le même rôle, on ne saurait établir de hiérarchie entre eux. (Les Incertitudes de l'heure présente)

La naissance de Dieux nouveaux a toujours marqué l'aurore d'une civilisation nouvelle. Ces fils de nos rêves ont une telle puissance que leur nom même ne peut changer sans que le monde soit aussitôt bouleversé. (Lois psychologiques de l'évolution des peuples)

Les héros et les Dieux condensent en de lumineuses synthèses les obscures aspirations des peuples. (Aphorismes du temps présent )

Les Dieux jouèrent un rôle si prépondérant dans l'histoire que jamais un peuple ne put en changer sans voir son existence se transformer entièrement. (Bases scientifiques d'une philosophie de l'Histoire )

Les Dieux naissent toujours quand le besoin s'en fait sentir. (Les opinions et les croyances)

Les peuples survivent rarement à la mort de leurs Dieux. (Aphorismes du temps présent )

Ce sera seulement avec les derniers hommes que disparaîtront les derniers Dieux. (Les Incertitudes de l'heure présente)

Discipline

La fondamentale importance de la discipline apparaît quand on constate que les peuples n'arrivent à la civilisation qu'après l'avoir acquise et retournent à la barbarie dès qu'ils l'ont perdue. (Le Déséquilibre du monde)

La discipline peut remplacer bien des qualités. Aucune ne remplace la discipline. (Les Incertitudes de l'heure présente)

Toute civilisation impliqué gêne et contrainte. On ne devient civilisé qu’après avoir appris à supporter cette contrainte et cette gêne. C'est en créant des freins sociaux puissants que les hommes sortent de la barbarie, c'est en les laissant s’affaiblir qu’ils y retournent. (La Psychologie politique et la défense sociale)

Une des réformes futures les plus nécessaires sera d'inculquer à tous les jeunes Français le respect de la discipline. Elle est devenue nulle dans la famille, nulle à l'école, nulle dans les administrations, nulle dans les arsenaux, nulle enfin partout. (Hier et demain)

Dissuasion (arme de)

Dans l’état actuel de nos connaissances*, la seule chance d’une paix durable serait la découverte d’une méthode de destruction si rapide qu’aucun peuple ne voudrait s’exposer à en subir les effets. (Bases scientifiques d’une philosophie de l’Histoire)

* Lignes écrites en 1931.

Dogmes

Tous les dogmes, les dogmes politiques surtout, s'imposent généralement par les espérances qu'ils font naître et non par les raisonnements qu'ils invoquent. (Hier et demain)

Droit

D'une façon générale, on peut dire que la meilleure définition du droit est encore celle du vieux Digeste de Justinien : “ Ce qui dans chaque pays est utile à tous ou au plus grand nombre. ”Cette définition ne peut s'appliquer évidemment qu'à une société déterminée pour un temps donné et nullement aux relations entre peuples différents n'ayant pas d'intérêts communs. Et c'est pourquoi Pascal, qui n'ignorait sans doute pas Justinien, affirmait que le droit a ses époques, qu'il dépend de la latitude, et que ce qui est vrai en-deçà des Pyrénées devient erreur au delà. (Psychologie des temps nouveaux)

On ne fait pas le droit, il se fait. Cette brève formule contient toute son histoire. (La Psychologie politique et la défense sociale)

Le droit ne commence qu'à dater du moment où on l'on détient la force pour le faire respecter. (Aphorismes du temps présent)

Droit international

Le rôle de la justice sociale est d’empêcher par la menace de sanctions la violation des règles nécessaires à la vie d’une société. Le rôle futur de la justice internationale sera le même quand il deviendra possible de lui découvrir des sanctions. Cette possibilité n’apparaît pas encore. (Hier et demain)

La civilisation devra réaliser encore bien des progrès avant que les droits des peuples puissent avoir d’autres soutiens que le nombre de leurs soldats. (Hier et demain)

La méfiance générale contre les peuples violant leurs engagements et les lois de l’humanité sera sans doute le germe des sanctions nécessaires à la création d’un code international. (Hier et demain)

Qu’elle soit d’ordre moral ou matériel, représentée par la puissance des codes, des idées, des religions ou des armes, la force restera nécessairement souveraine du monde. Un des plus importants progrès de la civilisation serait de substituer les forces morales à la force armée. (Hier et demain)

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