Historique
« La situation géographique du Salto de Roldan, en bordure de la plaine, écrit Claire Dalzin, l’a longtemps fait dédaigner des pyrénéistes, en dépit de la beauté et de l’originalité du site. »
Le comte Aymar de Saint-Saud, chargé de la cartographie de ces sierras oubliées, fut le premier à s'y aventurer. En août 1878, alléché par le récit de son ami Lequeutre sur son périple en Aragon, il partit avec le guide Pujo pour les gorges de Rodellar. Une équipée au fort parfum d’aventure. Aujourd'hui, il est difficile d’imaginer qu’à cette époque ces contrées demeuraient des terras incognitas dont on ignorait absolument tout ; comme le dit Russell, « on connaissait presque mieux la Laponie ». Saint-Saud, gagné par le virus de l’orographie, parcourut la sierra de Guara de fond en comble et commença d’en dresser la carte. « Je suis le cours du rio Flumen, écrit-il dans ses carnets, et je marche d’admiration en admiration dans ce merveilleux barranco. » Au débouché, il passa avec émerveillement entre deux gigantesques colonnes où nichaient des colonies d’oiseaux : le Salto de Roldán, lieu d’une vieille légende : le paladin Roland le Preux, commandant de l’arrière-garde de l’armée carolingienne, lors de sa retraite précipitée en France, fut poursuivi par les Vascons et dut sauter à cheval l’abîme qui séparait les deux mallos pour leur échapper. L’empreinte des sabots serait encore visible dans le rocher. Un acte d’éclat à rapprocher de celui qui lui fit pourfendre la crête du Cirque de Gavarnie d’un coup d’épée et de lancer sa Durandal jusqu’à Rocamadour… Le Salto de Roldán est fortement empreint d’histoire puisqu’en 941 il fût le théâtre d’une bataille livrée par le roi de Navarre Garcia Sanchez pour bouter les musulmans de la région, au prix d’un combat acharné il s’empara des fortifications édifiées sur les deux bastions par Sen et ses hommes… positions reprises l’année suivante par le calife de Saragosse. De retour à la sierra de Guara en 1881, Saint-Saud fera la première du Tozal de Guara (2.077 m) avec Jean Sarrettes, guide de Cauterets.
A la fin de l’été 1907, le pyrénéiste photographe Lucien Briet, quitta le pueblo de Santa Maria de Belsué pour explorer le site du Salto de Roldan et les gorges du rio Fulmen. « La peňa de Miguel se dégagea la première, relata-t-il, suivie du Fraile, puis ce fut le tour de la peňa d’Aman. Etouffé entre ces pylônes gigantesques, l’extravagante coupure sabrait le mur de la sierra d’une façon si nette et si impérieuse que l’on comprenait de suite pourquoi la gloire du baladin Roland flottait au-dessus d’elle comme au-dessus de la brèche crénelant le Marboré. Une diaclase, analogue à une fente meurtrière, parachevait la base de ce portail cyclopéen, entre les jambes duquel des bords d’horizon, nettement découpés, annonçaient la plaine de Huesca. » Le 22 septembre 1907, il prit la première photo connue de ce monumental édifice.
Chantre del Alto Aragon, de ses barrancos, canyons, gargantas et autres cuevas, Briet a été l’instigateur de la création du parc national d’Ordesa fondé sur le modèle de Yellowstone en 1918. A l’orée de la vallée, on trouve une stèle commémorative ornée de son buste qui rappelle son action en faveur de la protection de la nature.
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